11 mars 2009

Avale Jean-Charles, avale !

Tu étais là, Madone à l’utérus, à exhiber ton prolapsus à qui paierait pour ton bénéfice secondaire. Exposition, stade I – hystérocèle intra-vaginale, paucisymptomatique, invisible, trop subtile ; stade II – affleurant l’orifice vulvaire, début d’auto-érotisation, le passage par le tractus génital attirerait sûrement les curieux, hélas encore trop peu ; stade III - prolapsus extra-vulvaire, tout est en place, à la vue de tous, rose et sain, ostentation du normal.

Un peu de sensuel ; il ne faut pas, non, qu’on oublie que l’hystérie a fait son chemin de croix dans la filière génitale. Extériorisé, odeur sexuelle, finalement le seul élément (la bassesse de la nature humaine) qui persuade les gens de rester (encore un peu) car bien vite l’on se rend compte que la vacuité -son dit vide- n’est que fictive et même pas fiction fictive (qui aurait pu amener une réflexion mais l’utérus est ici bien le seul à se réfléchir au fond des cornées courbes).

Quand la peau se tend sur les os comme un linge mouillé on en devine l’animal sous-jacent, les reptations sous cutanées du reptile, le primaire en somme. Mais que penser d’un utérus atone ? Du muscle lisse trop sophistiqué pour renvoyer à quelque chose de viscéral. De certaines femmes il peut être anté ou rétro versé mais chez toi on a plutôt à faire à une rotation lévo ou dextrogyre, fonction de, une histoire de séduction je crois, polarisé par n’importe quel beau parleur qui semble croire à ce qu’il dit (la latche), le genre d’instant T où les convictions personnelles s’écoulent par les voies naturelles.

Je me souviens du rêve de Winnicott, la position est la même, à la corbeille du théâtre sur la chaise de la spectatrice, tu te tiens le fruit de la ptose serré contre ton sein mais également au nez et la barbe de tous. Admirez-le, admirez-moi, je suis là ! Et pourquoi pas un chat ou un enfant en substitution pendant qu’on y est. L’objet se doit d’être du soi maniéré, modelé, un polype sculpté mais pédiculé, un lien au soma, un masque au bout du fil – à moins que ce ne soit une éruption cutanée (Vespertilio ? Lupus érythémateux disséminé – la plus poétique des maladies à mon goût), associations pas si libres.


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Souvenir d’une soirée au Violon Dingue, des Delirium Nocturnum et le Lonesome Cowboy des nuits nantaises. Federico devient le nœud sinusal de mes soirées. A mon bras mon interne de rhumato, entre deux reprises nous attendons l’hymne à la baise. Moi pour la musique, la poésie, elle pour m’attirer dans ses bras d'araignée désarticulée. Je lui plais, j’en suis convaincu, pour preuve elle m’a demandé de venir travailler dans le service un lendemain de gardes de sutures où j’étais censé être de repos. C’est son côté docteur ès maladies auto-immunes qui m’a tout de suite plu chez elle. Les lupus érythémateux, les spondylarthropathies, les Gougerot-Sjögren, … moi ça me fait fondre, contrairement à la rhumatologie articulaire pure qui est ennuyeuse comme une conversation msn. Bref, j’ai accepté de revenir. Refuser c’était jouer la carte du « je te résiste » et donc entrer dans le jeu sur son invitation d’emblée donc avouer que j’ai le béguin pour elle. Trop facile. J’ai préféré jouer la carte du mec que ça ne dérangeait pas de venir travailler après avoir suturer des mecs bourrés pendant une nuit de 14 heures sans dormir entre les deux, par conséquent lui résister (à son jeu, pas à sa demande) réellement, faire croître le désir en elle, silencieusement en passant pour un total indifférent, j'esquisserai même un air surpris lorsqu'elle m'embrassera au détour d'un couloir. (Sun Tzu – l’art de la guerre)

You know i'm no good (cover)

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Cheminées Poujoulat : un conduit pour la vie
« On dirait une pub pour le dépistage du cancer colo-rectal. »
Ma mère me dit que l’humour c’est génétique et que j'ai le même que mon frère. Je l’accepte en tant que compliment, la citation sus-jacente est de lui.



10 mars 2009

My own private Arizona (ou Yvette Horner a la cheminée en forme d'accordéon)




« Vous avez du retard les enfants » Délicat rappel de nos âges avancés, vingt-trois ans, de la part de la médecin du service de grossesse patho avant d’entrer dans la chambre d’une patiente de vingt ans. Quatrième grossesse. Un avortement, un né à terme, une grossesse extra-utérine. Soit, à vingt-trois ans, pendant que certains font des gosses, vivent à deux et ont un métier (de con) moi je passe mes samedi soirs ivre mort à descendre des bières volées par palettes entières avec mes potes, à me battre avec des inconnus sur les parkings de drive-in ouverts de nuit, à me faire ramener par un pote en voiture puis à tituber sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller maman qui dort dans la chambre d’à côté. Juste avant de sombrer (dans le sommeil) j’essaye de me positionner afin que mes voies respiratoires soient dégagées si jamais il m’arrivait de vomir dans mon sommeil, ce qui ne m’arrive pas mais sait-on jamais !

Direction Bordeaux, rendez-vous avec David Eugene Edwards, la route défile sous les pneus de la grosse cylindrée de S. Ce n’était pas uniquement le fait de rouler autant qu’on voulait sans qu’aucun de nous n’ait à payer la moindre goutte d’essence mais il y avait dans l’atmosphère de l’alfa roméo du concessionnaire un climat serein et détendu. Le petit-fils du prêcheur sillonnant les routes du Colorado devait déjà nous bénir. David Eugene Edwards est habité par sa musique, autant physiquement que psychiquement il la transpire. On l’imagine volontiers peu loquace, petit-fils dans la roue du religieux ayant trouvé son art comme expression de sa foi. Dans la même soirée on croise le batteur de Noir Désir (qui ne nous reconnaît pas !) et on se demande pourquoi les garçons bordelais s’étaient tous déguisés en sosies de Bertrand Cantat.

Pendant ce temps l’Amérique élisait Obama. L’homme qui allait changer la face du monde (laule). Je prenais Bush pour un crétin, au début. Puis j’ai appris que son livre préféré était L’étranger d’Albert Camus – comme moi. Peut-être même que ça lui arrive de lire l’étranger en écoutant l’éclat du ciel était insoutenable d’HRSTA. Quelqu’un qui a l’étranger comme livre préféré est forcément quelqu’un qui a tout compris à la vie. L’auteur préféré d’Obama est Shakespeare… Shakespeare ! Quelle connerie ! Personne n’aime Shakespeare, ça c’est bon pour baiser des meufs sur le campus mais ça s’arrête là. Dans son discours d’investiture Obama a expliqué, avec son sens du politiquement correct, que s’il retirait les troupes d’Irak c’était pour en caler plus en Afghanistan. Rappelons que les Etats-Unis ont envahis l’Afghanistan pour traquer Ben Laden, c’est là que la chose acquiert sa plus grande dimension comique. Puis ensuite il a rééxprimé sa tolérance envers les peuples, qu’ils soient chrétiens, juifs, musulmans, hindouistes, agnostiques … avec Obama on a le droit de douter de l’existence de Dieu mais pas de le nier. Même moi qui suis plus proche de l’agnosticisme que de l’athéisme, j’ai trouvé ça choquant. Après Miss France a pleuré et le jeu des boîtes a sauté … sick sad world.

Et puis True Blood, avec mes amis sudistes conservateurs du white trash. Le meilleur générique vu depuis ceux de Carnivàle et Dexter. Et puis la déception. Que les effets spéciaux soient pourris on s’en branle, que les acteurs soient mauvais passe encore … mais que le scénario soit pourri est intolérable. Autant intolérable que l’absence de charisme de Sylar dans Heroes avec sa casquette, son air de crétin et son skate sous le bras.

J’avais l’impression que l’Amérique n’était plus qu’un exosquelette vide des personnages de Thomas Pynchon, résidents viscéraux. J’avais besoin de retrouver mes racines, de faire un retour aux origines. L’Uruguay étant au bord de la guerre civile, les USA me serviront de pays natal de substitution.

L’avion se pose à New York et j’ai envie de gerber. La ville est horrible, tellement éclatée par son absence de personnalité, le brassage multiculturelloethnique en a fait un vomi informe. J’ai sous les yeux une concrétion de tout ce que l’Europe architecturelle a pu faire de pire. Non, j’exagère, aucune trace de l’insulte à l’esthétique que sont les maisons alsaciennes. L’expression « maladie de surcharge » a d’ailleurs été inventée pour elles. Les gens sont cons, pressés, sales, bruyants, d’ailleurs à part Sonic Youth aucun groupe de musique brillant n’est sorti de cette ville, ce qui veut tout dire. Je ne tiens pas douze heures et je file en Arizona direction Tucson. .. et à peine la ville se désincruste du pied de la montagne que je me sens chez moi. La ville respire la créativité, et l’on croise au pied de l’église un membre de Calexico. Je me fais la promesse de passer quelques uns de me derniers jours ici.

Le retour en France est difficile mais je touche du doigt le sens de la vie un dimanche soir dans un bar à strip tease. Usé, ma déesse éphémère danse devant moi, je ne sais pas ce qui me vaut l’honneur de cette danse à mon égard, je m’enfonce dans ma chaise, la contemple, elle, son corps, sa danse, les courbes qu’elle dessine dans l’espace, chaque mouvement de grâce imprégnant ma mémoire argentique ; je repense à Tucson, à l’aura de David Eugene Edwards, aux romans de Thomas Pynchon, à la plage de Montevideo, elle continue de danser, je balance ma tête en arrière, le sourire aux lèvres, heureux.
Et je ne bande pas.

J’ai une pensée pour Michel Houellebecq et l’année 1999.
Je me retrouve externe en pédopsychiatrie, bien que je m’étais promis de ne pas y retourner il y a trois ans. La perspective de passer mes journées avec des mômes pleurnichards a eu raison de moi, pédiatrie non / pédopsy oui, d’ailleurs mes quelques gardes aux urgences pédiatriques conforteront mon choix a posteriori. Mais l’histoire se répète et je recréé ma systémie familiale autour de moi. La sénior, blonde aux yeux bleus est ma mère, je l’appellerai même par son prénom puis séniorita dans un moment d’égarement, mes trois internes, femmes, dernières années donc plus âgées sont mes trois sœurs avec nos différences d’âges, une brune, une châtain, une blonde, le mimétisme va même jusque dans les prénoms. Dieu est souvent absent, il nous éclaire de sa lumière en de rares occasions mais cruciales et je n’aime pas les rares moments où je le vois faillir. Moi, petit dernier dans la séduction.
Je m’épanouis vraiment dans ce stage, même si un moment je me demande pourquoi mort inceste violence sexe maladie sont les piliers du temple dans le sein duquel mon corps ne me pèse plus.

Je retourne voire 31knots, le chanteur me donne en main propre sa cymbale comme gage d’amitié ou bien c’était juste alabien. « 31knots est-il le groupe le plus méconnu de cette décennie ? » sera l’hypothétique titre de la prochaine note. Je parle avec un espagnol ivre, il pue de la gueule, mais c’est pas l’alcool, ça sent le renfermé, paradoxalement, parce qu’il n’arrêtait pas de l’ouvrir (sa putain de gueule pendant le concert), je ne pipe aucun mot et il se met à manger du papier. La triste vision que j’avais des espinguoins est confortée par ce moment de vie.

Retour en Vendée, le pays aux verts infinis sous un ciel gris, « l’infini éteint ». Marc-Edouard Nabe me fait la lecture et je fraude le TGV en paix. Je pense à la seule femme drôle que j’ai pu rencontrer, je lui enverrai un mail dans la soirée (ce qui est contraire à mes habitudes) après tout ça fait quinze jours que je ne l’ai pas vue, depuis mon départ de là où le visage du Baron Samedi se dessine dans les traits émaciés des corps faméliques.

C’est l’histoire d’un mec, plus intéressé par la psychiatrie que par autre chose et qui devant une hypercalcémie à PTH normale haute à bilan iconographique négatif dit « cervicotomie exploratrice ! » et se voit répondre par le chef de clinique « toi tu veux faire chirurgie ! » - éclats de rires de ses co-externes.
C’est l’histoire du même mec qui après un flipper à l’internat traînait entre les blocs opératoires d’orthopédie vers 9h du matin. Soudain un anesthésiste enjoué (j’ai dit enjoué pas gay, tout comme j’ai dit anesthésiste et pas infirmier) lui dit « ça te dit de participer à un gros truc ?», le même mec qui pense que la chirurgie supplante l’art surréaliste dit « carrément ». 9h30 de bloc habillé en stérile non-stop avec le big boss sans manger, sans boire, sans une minute de pause, pour un sarcome d’Ewing de la branche illio-pubienne avec extension à la coxo-fémorale avec nécessité de faire une exérèse monobloc avec le trajet de la biopsie inclus puis allogreffe de hanche et prothèse de tête fémorale. A la fin j’hésitais à demander à une infirmière à ce qu’elle glisse un urinal sous ma casaque pour que je puisse me soulager sans me servir de mes mains et ainsi rester stérile.
Et puis c’est l’histoire d’un service d’orthopédie qui fait ses staffs du mardi matin à 7h45 en anglais, sur décision du boss suprême (# du big boss). A 66 year-aulde womène fall frome his High at the hôpital-nord, she has been seen by the interne de garde, et ainsi de suite… certains se débrouillent, d’autres parlent comme des buses mais personne ne les corrige, ne les supervise donc l'interêt en est plus que limité selon ma propre appréciation … puis quand ça commence à s’engueuler sur la marche à suivre en anglais viendra un moment où surgira : « bon les mecs c’est sérieux-là, on parle en français ! »



David Eugene, aussi classe qu'Abitbol Georges. Golden Rope.