18 novembre 2007

Lettre à e.


"C'est comme si les éléments s'étaient mis de concert avec toi. Ce lundi 12 Novembre, vers 18h45, Rires et Chansons passait un sketch de Fernand Raynaud et c'est ce moment là que tu as choisi pour mourir. Tout y était : tragique, comique et je te connais trop bien, toi et ta volonté de tout contrôler pour t'en croire non coupable.

De quatre nous grandirent à cinq et redevenons quatre. Pendant quelques instants, tu as été notre noyau, assurant notre cohérence et cherchant à nous élever vers une vie plus belle. Tu as voulu nous éduquer au bien-être, au bonheur voire même à la joie de vivre. Cela a presque marché, il faut l'avouer. Chez nous quatre nihilistes, tu as su provoquer en nous des étincelles, des frissons, des espoirs... Icare s'était même remis au vol, il disait apprécier la chaleur caressant son corps chaque fois qu'il ouvrait ses ailes. Le jour de ta mort, nous l'avons cherché, retrouvé écrasé recroquevillé la gueule ouverte, la moitié du visage dans le sable, la marée commençait à le recouvrir comme l'on recouvre un cercueil de terre lors d'un enterrement. Le regard fixe, dans le vide, il nous a dit qu'il ne réessayerait plus, jamais, immobile il nous a chuchoté qu'il resterait là, à attendre une mort provoquée de sa propre volonté, pour le pire comme le meilleur tu l'as inspiré. Spirale s'est arrêté de danser, n'ayant plus de soleil à fixer il s'est remis à tourner en mode égocentrisme, ne prêtant plus attention à ce que ses bras peuvent apporter.
Quant à Théorème, il est au plus bas, avec toi il a perdu un grand calculateur, il a toujours été admiratif des stratagèmes que tu élaborais pour obtenir ce que tu recherchais ; il venait de finir de lire "Apprendre à mourir - la méthode Schopenhauer" d'Irvin Yalom, il s'est exclamé : quelle ironie. Oui, quelle ironie.

Aujourd'hui Monsieur E. nous t'offrons ces funérailles de vikings, conformément à ton souhait. Nous fûmes surpris lorsque, sentant que cet ultime accès de mélancolie te serait fatal, tu nous as demandé quel moment nous serait sied pour ton "départ". Cette ultime politesse cachait-elle une ultime manipulation de ta part sur le sujet de qui tire les ficelles des pantins que nous sommes possiblement ou était-ce dans la logique du sens du narcissisme extrême ( à savoir : être disponible, gentil et à l'écoute dans un seul but : être aimé) ?

Avec ta perte nous perdons également le "bien", tout ce que nous avions acquis de positif que tu avais pu nous insuffler lors de ton arrivée. Nous sommes quatre régressants et régressifs, de par ta nature ouverte, ton optimisme et ta volonté de t'en sortir tu étais si différent de nous. Nous nous étions calquer sur toi dans l'espoir d'une vie meilleure, et, l'espoir que tu nous a promis, nous y avons cru, même les plus sceptiques d'entre nous.

La moquerie fut peut-être notre seul point commun et sache que nous n'arrêterons pas pour autant, surtout envers ceux qui profitant de ta mort n'hésite pas à dire de toi que tu étais un "bouffon". Le mauvais goût sera toujours en ligne de mire de notre vitriol et aucun bouc n'en sortira indemne. Nous te le promettons.

Alors que le bateau qui transporte ton corps vers l'invisible derrière l'horizon s'embrase, le temps commence à faire son travail. S'effacent les souvenirs, les sentiments que tu as suscités chez nous, ceux que nous n'avions ressentis avec personne d'autre que toi. Plus personne ne se souviendra de Monsieur E. et du bonheur qu'il nous a donné, qui sera là pour en témoigner ? La légende, peut-être, racontera que ton nom demeure inscrit sur une carte cachée, avec un petit chien à tes côtés. Du moins si elle existe toujours. Peu de gens comprendront son signifié mais ça n'importe pas.

Nous retournons quatre nihilistes, nous ne bougerons plus de la plage que tu aimais tant. Monsieur Renard y sera heureux, j'en suis sûr.


Icare, Spirale, Théorème et moi-même, Moria, te disent, tandis que ton corps ainsi que ton souvenir s'éloignent irrémédiablement : Adieu Monsieur E."




Led Zeppelin - Baby I'm gonna leave you

08 novembre 2007

Carrousel

Novembre.
La mélancolie.
Depuis qu’il fait tout gris.


Enfin… le ciel s’accorde aux teintes d’humeurs. Hippocrate en décrivît quatre. Il basa toute sa vision du corps, de la physiologie et in extenso de l’Art médical dessus. Sang, phlegme, bile jaune et noire suffisent-elles ? SPA. Socrate-Platon-Aristote. Aristote fût un traître et dans son Problème XXX il montra intérêt à l’humeur mélancolique. L’élève se doit de trahir, dans la perspective de dépassement du passé, son maître, alors il eut, sur le moment, raison (comme Freud avec Charcot, comme Jung avec Freud, ou encore comme Revan envers Kreïa)[Je me rends compte que j'écris encore comme BHL, c'est suffocant et désagréable]. C’est écrit dans les gènes, place au plus adapté, une pensée pour Charles.


Le Zouave m’a dit que ma pensée est contagieuse, c’est inquiétant comme gratifiant, cela signifie au moins d’être compris. Tu sais, mon zouave, j’aimerais que l’on se retrouve plus souvent, les temps sont durs et nos discussions me manquent, et tu sais que tu n’as pas besoin de mettre tous tes attributs sur le tapis pour que je me couche.


A l’exégèse de la bible moderne (le DSM-IVR), il c’est révélé que je présentais (comme on dit) une personnalité à la croisée de la personnalité schizoïde et paranoïaque, mais pour l’instant tout va bien. C’est sans doute le syndrome de l’étudiant qui m’a tour à tour traumatisé en cherchant à insinuer à mon système de logique que j’étais atteint d’un phéochromocytome, d’une insuffisance cardiaque droite, d’un syndrome de Cushing, d’une hyperthyroïdie, d’un tremblement essentiel, d’un léger Klinefelter, d’un myélome, d’un trouble bipolaire de type II voire d’un trouble cyclothymique. La seule chose réelle est le syndrome de l’essuie-glace qui traîne depuis plus d'un an, ce qui est beaucoup moins glamour et donc moins utile pour draguer dans notre société moderne.


Mais la vie continue et puisque rien n’a de finalité, dansons sur les bords de la spirale en ignorant dans quel sens elle tourne véritablement. Chaotique sans être tectonique, le mouvement brownien des particules élémentaires-êtres, le choc, échange d’énergie, réactions de complémentations – annihilations. Transitions de niveaux, émission de photons. D’un niveau à l’autre, raccroche-toi à chaque teinte de gris que symbolise chacun de ses bras en prenant garde, si tu tiens à ta fierté, de ne pas tomber. Parfois en quête de primaire, j’essaye de tomber en son ventre. Aller taper dans ses viscères, vérifier que son bestiaire n’à pas bouger, voir de quoi il tourne et si ça me retourne, toujours. J’ai entendu des murmures en bas, la survie dans l’instant serait assurée par le plaisir gustatif et la survie dans l’avenir par le sexuel, au-delà : rien. Ca bouge, oui, pardon c’est un escalator ou un toboggan ? Je ne peux vous répondre, monsieur, Schopenhauer a retiré les panneaux directionnels il y a bien quelques années maintenant, j’étais au collège Jules Ferry à l’époque, depuis il n’en reste qu’un, là-bas. Autres Directions.


En parlant de. Par plaisir des mathématiques.


Soit a appartenant à l’ensemble A et b appartenant à B. Indice : a est issu de la division de b avec un autre évènement de A, a fut même en b durant une période finie.

« Il a fallu que l’intelligence d’A fut obscurcie par l’amour pour ce qu’il ait appelé beau ce sexe de petite taille, aux épaules étroites, aux larges hanches et aux jambes courtes. »

a, à propos de B.

« Te lamenter sur le monde stupide et la misère humaine n’avance à rien, cela me fait passer une mauvaise nuit et faire de mauvais rêves. Je n’ai plus eu aucun moment désagréable dont tu ne portais la responsabilité. »

Lettre de b à a.


Je sortais d’une énième nuit de garde, la fatigue, le froid, 7h30, tout ça après un patient arrivant en plein milieu de la nuit avec une Hb à 4.6 « je me sentais un peu essoufflé depuis quelques jours », transfert du premier culot d’O- aux urgences, et là, bam, œdème aigu pulmonaire. La lumière artificielle en période nocturne fait virer mes yeux au magenta, l’iris encore plus verte. Ma barbe de quatre semaines me gratte plus que mes cols roulés dans lesquels je me réveille parfois à cinq heures du matin (pendant que Yann Moix, à cinq heures du matin, à la tête dans un vagin). Je m’amuse (légèrement) à ré attraper la fumée exilée de ma bouche dans le froid, je ne regarde pas où je marche, presque les yeux fermés. Bref je dois avoir l’air d’un mystique et c’est sûrement ce qui conduit cet homme vraisemblablement éthylique et sans domicile à m’approcher. Il me parle, c’est du russe. Tu t’trompes mec, j’suis pas Raspoutine pour un sou, quoi ? ouais je sais 30 cm de bite le p’tit Grégory, moi ? non hein, haha. On rigole, il me demande de lui chanter quelque chose pour lui et ses amis (qui viennent de m’entourer) j’accepte, l’un d’eux me tend une guitare, merci j’en demandais pas tant. Je lui fais une reprise de Mi and l’au. Pour le plaisir, et parce que it’s so long. Je lui dis que les clichés furtifs se font disparates avec le temps, que les sourires figés par la mémoire se désunissent des bras et des jambes par le passé entremêlés, le souvenir se démantèle.


« C’est plutôt triste. » C’est gris, lui dis-je. Bon, maintenant ce que je voudrais c’est que tu te calmes, gros blaireau. La prochaine fois je te jouerai Hearsay de 31 Knots.