21 septembre 2007

Moi et le monde

"Le fait que j'existe prouve que le monde n'a pas de sens. Quel sens pourrais-je trouver, en effet, dans les supplices d'un homme infiniment tourmenté et malheureux, pour qui tout se réduit en dernière instance au néant et pour qui la souffrance fait la loi de ce monde ? Que le monde ait permis l'exis­tence d'un humain tel que moi montre que les taches sur le soleil de la vie sont si vastes qu'elles finiront par en cacher la lumière. La bestialité de la vie m'a piétiné et écrasé, elle m'a coupé les ailes en plein vol et refusé les joies auxquelles j'eusse pu prétendre. Mon zèle démesuré, l'énergie folle que j'ai déployée pour briller ici-bas, l'envoûtement démoniaque que j'ai subi pour revêtir une auréole future, et toutes mes forces gaspillées en vue d'un redressement vital ou d'une aurore intérieure — tout cela s'est révélé plus faible que l'irrationalité de ce monde, qui a déversé en moi toutes ses ressources de négativité empoisonnée. La vie ne résiste guère à haute température. Aussi ai-je compris que les hommes les plus tourmentés, dont la dyna­mique intérieure atteint au paroxysme et qui ne peuvent s'accommoder de la tiédeur habituelle, sont voués à l'effondrement. On retrouve, dans le désar­roi de ceux qui habitent des régions insolites, l'aspect démoniaque de la vie, mais aussi son insi­gnifiance, ce qui explique qu'elle soit le privilège des médiocres. Seuls ces derniers vivent à une température normale ; les autres, un feu dévorant les consume. Je ne puis rien apporter au monde, car ma démarche est unique : celle de l'agonie. Vous vous plaignez que les hommes soient mauvais, vindicatifs, ingrats ou hypocrites ? Je vous propose, quant à moi, la méthode de l'agonie, qui vous permettra d'échapper temporairement à tous ces défauts. Appliquez-la donc à chaque génération — les effets se manifesteront aussitôt. Ainsi me ren­drai-je peut-être, moi aussi, utile à l'humanité !

Par le fouet, le feu ou le poison, faites donc éprouver à chaque agonisant l'expérience des der­niers moments, afin qu'il connaisse, dans un atroce supplice, la grande purification qu'est la vision de la mort. Laissez-le ensuite partir, courir terrorisé jusqu'à ce qu'il tombe d'épuisement. Le résultat sera, n'en doutez pas, plus brillant que celui qu'on obtiendrait par les voies habituelles. Que ne puis-je mener le monde entier à l'agonie pour purger la vie à sa racine ! J'y placerais des flammes brûlantes et tenaces, non pour la détruire, mais pour lui communiquer une sève et une chaleur différentes. Le feu que je mettrais au monde n'entraînerait point sa ruine, mais bel et bien une transfiguration cos­mique, essentielle. Aussi la vie s'accoutumerait-elle à une haute température, et cesserait d'être un nid de médiocrité. Qui sait si la mort même ne cesserait, au sein de ce rêve, d'être immanente à la vie ?

(Écrit en ce jour du 19 septembre 2007, mon vingt-deuxième anniversaire. J'éprouve une étrange sen­sation à la pensée d'être, à mon âge, un spécialiste du problème de la mort.)"

La messe est dite. Musique maestro.


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Et bien bon anniversaire, je suppose. Je ne te félicite pas quant à ton choix de police de caractère très serrée qui fatigue mes yeux d'insomniaque.

Spirale a dit…

Merci bien, et merci aussi pour m'avoir donné l'idée du JDGàM. J'ai marqué un point grâce au seul mec sur la terre qui s'est fait faire cocu par Sarkozy.

Maitenant pour ce qui est de la police d'écriture (je reçois de nombreux reproches sur ça), je pré-suppose que tous les gens qui me lisent sont des rebels anti-capitalistes et qu'ils sont donc sous Firefox (rejettant IE de micro$oft). Sachez, mes freres de lutte, qu'il existe une commande "ctrl" + "+" qui augmente de façon quasi-instantannée la taille de la police d'écriture.

Anonyme a dit…

Des profondeurs je crie vers toi... qui célèbres avec tant de douleur une 22ème année qui t'entraînera sans doute de plus en plus dans la spirale de la mort ! Ce texte magnifique, quoique terriblement morbide, est-il vraiment sorti d'un si jeune cerveau ou bien l'as-tu extrait de celui d'un mort que tu as disséqué ?

Anonyme a dit…

Un autre petit commentaire : Il n'y avait aucune faute dans ton texte, en revanche ton commentaire en est truffé...!!!

Spirale a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Spirale a dit…

Non.

J'ai mis des guillemets sans citer, histoire de gruger mais pas trop.

C'est du Cioran, j'ai antidaté le texte pour faire croire que j'étais un écrivain de génie mais en fait, non.

Bon pour l'orthographe, j'essaye de faire attention mais depuis mon entrée à l'université je tronque tous mes mots de moitié ou, tout du moins, je les ampute de toute voyelle. Tout n'est pas comme le vélo.

Anonyme a dit…

Faute avouée est à moitié pardonnée.