02 décembre 2007

Nous baisions comme des esquimaux


Philip Roth est américain.
Philip Roth est écrivain.
Philip Roth est juif.
Philip Roth n'aime pas Woody Allen.

Cela fait déjà quatre bonnes raisons d'aimer Philip Roth. Cet article aurait pu s'appeler "Philip Roth et moi" ou encore "La bite de Philip Roth" mais cette dénomination de chapitre fut déjà utilisée par Yann Moix dans son livre Partouz. A la différence de Yann Moix, j'écris de mieux en mieux et je ne suis pas un obsédé sexuel. (bon, en vérité si mais il ne faut pas que mon lecteur s'en doute, il doit me croire singulier, différent des autres soit honnête et non-obsédé). Il n'y a pas de lien entre le titre et le contenu, la dualité signifiant-signifié est un rendez-vous manqué. Ou pas. Ouvrir le champ des possibles, vois-y ce que tu y cherches.

"Il entra un mercredi matin de bonne heure, pour se faire opérer de l'artère carotide droite. Le cérémonial avait été exactement le même que pour l'opération de la carotide gauche. Il attendit dans l'antichambre vitrée, avec tous les candidats à l'intervention, l'appel de son nom. Et dans sa chemise d'hôpital impalpable, ses pantoufles en papier, il fut conduit par une infirmière en salle d'opération. Cette fois quand l'anesthésiste masqué lui demanda s'il voulait une anesthésie locale ou générale, il demanda la générale, pour rendre cette intervention plus supportable que la précédente.

Les paroles prononcées par les os l'avaient rendu allègre, insubmersible. De même que son triomphe de haute lutte sur son propre marasme. Plus rien ne pourrait éteindre la vitalité de ce gamin dont le corps-torpille fuselé, immaculé, avait jadis chevauché les grosses vagues atlantiques, dans l'océan déchaîné, à cent mètres des grèves. Oh, quelle ivresse ! l'odeur de l'eau salée, la brûlure du soleil ! La lumière du jour, la lumière qui pénétrait partout, jour après jour d'été, la lumière du jour, brasillant sur la mer vivante, trésor optique si vaste, d'une valeur si astronomique, qu'il croyait voir sous la loupe de son père, gravée à ses initiales, la planète elle-même, parfaite, précieuse, sa demeure, ce joyau d'un million, d'un billion, d'un trillion de carats, la Terre ! Il coula sans venir voir le coup, sans jamais pressentir l'issue, avide au contraire de s'assouvir encore, mais il ne se réveilla pas. Arrêt cardiaque. Il n'était plus. Affranchi de l'être, entré dans le nulle part, sans même en avoir conscience. Comme il le craignait depuis le début."

Dans la rubrique je suis un bâtard et je dévoile la fin des livres voici la fin du dernier Roth - Un homme. Ca n'a pas d'importance, la fin est l'amorce du début et l'histoire est banale : celle d'un homme dont l'on suit la vie via les expériences communes à tous : la maladie, la mort. Ce qui compte c'est le traitement, le style, se laisser porter par les mots, ceux qui soulèvent à quelques centimètres du sol et qui transportent ailleurs, d'un seul tenant jusqu'à la séparation d'avec la voix du livre. Comme l'Etranger de Camus ou un livre de Laurent Graff. Et puis. Marre des bouquins sans renouvellement de style avec des messages du style "la tv c'est le mal" (ah bon ? et si la tv ne servait au bon peuple que ce qu'il demande, et si l'on acceptait de voir que ce n'est que le symptôme et non l'étiologie) "bush est con et sarko aussi" (vraiment ?) "la guerre c'est moche" (ça depend du point de vue) "la société de consommation ultra-capitaliste dans laquelle nous évoluons est génératrice de frustrations dégradant ainsi les rapports inter-humains censés nous élever spirituellement et socialement favorisant le développement personnel de chacun tandis que chez les animaux tout est amour (j'ai envie de dire triple lol). Faciles, éculées, chiantes. Bref toutes les thématiques présentes lors de cette soirée avec étudiants dans laquelle j'ai regretté de ne pas avoir amené un bouquin. Céline... ouais. Au coin du feu... Voyage au bout de la nuit. Putain... quel coup de génie cela aurait été, quelle provocation : snober ces faux-socialistes en lisant le plus grand auteur de tous les temps dans mon coin, un auteur de droite et arborant un antisémitisme dominical de surcroît. Au lieu de ça j'ai entendu les truismes d'une génération incohérente et toujours adolescente à 22 ans, en guerre contre le système mais pas contre la mairie socialiste de Nantes. (pour avoir vécu dans une ville UMP je ne vois pas trop la différence, ah si : la mairie socialiste de Nantes a augmenté ma taxe d'habitation de 30 %, triple :-/ ) J'ai voulu me barrer mais ça a parlé d'amour. Je me sentais mal à l'aise mais je pressentais que des phrases cultes pouvaient facilement émerger dans cette situation. Le plus beau geste d'amour... Je n'allais pas répondre avec un témoignage personnel, alors j'ai devié vers l'amour de type mère-enfant, j'ai cité le sextuple infanticide de Martha Goebbels. Les gens n'ont pas compris, c'est compréhensible, ce qui l'est moins c'est de ne pas chercher à. (je comprends que l'on puisse être étonné, j'étais tout enclin à m'expliquer) Ils ne devaient sûrement pas encadrer les nazis voire plus simplement les racistes. Pour moi c'est pareil, les racistes et les arabes, tout ça me sort par les yeux. Silence. Les red hot chili peppers alors je me suis barré sec. Il y a des fautes de goût que je pardonne mais ça non, non vraiment pas. Je me dis que j'ai encore pu échapper à Elodie Frégé ou olivia ruiz, on sait jamais. ON SAIT JAMAIS.

J'ai remonté la rue de Strasbourg avec la nocturne n°2 de Chopin en mi bémol majeur dans mon ipod micro. Je me sentais déjà mieux, les voitures descendant la rue au milieu de la nuit sont des cygnes lumineux glissant sur une eau noire, les gens ivres des danseuses agiles et les lumières urbaines des étoiles de douceur depuis trop longtemps disparues. En ce moment privilégié ma marche se cadence au piano, automatique, elle répond à la musique, je n'ai plus de volonté sur elle.

Il a bien fallu que cela s'achève, comme tout finalement.

J'enlève les écouteurs, la porte de l'immeuble claque violemment dans mon dos, l'appartement jaune est vide et sa lumière bien trop artificielle, la rue retrouve son vrai visage porteur d'ivrognes titubants hurlants à l'ivresse et de bruits de bouteilles cassées, je perçois la rue à travers ma fenêtre et ça ne me plaît pas. Puisque nous est mort je préfère m'isoler dans une illusion. Je voulais retrouver les salauds de Philip, ceux qui trompent leurs femmes à tour de bras mais qui pour garder la face aux yeux de leur fille, épousent des mannequins écervelées sans intérêts juste parce que c'est avec elles qu'ils se sont fait baisés et qu'avec un peu de chance ça passera pour de l'amour (et donc quelque chose de sérieux) et non pas un coup, dans un vagin, dans le vent (alors que c'est justement ça). Ils ont quelque chose d'attachants eux, il y en a non mais eux oui.

"La jalousie, ce poison. Et sans provocation, encore. Jaloux même quand elle me disait qu'elle allait à la patinoire avec son frère de de dix-huit ans. Est-ce que c'est lui qui me la volera ? Dans ces liaisons qui tournent à l'obsession, tu n'as plus ton assurance habituelle, surtout quand tu es en plein dans le cyclone, et que la fille a le tiers de ton âge. J'ai des inquiétudes quand je lui téléphone, tous les jours, et des inquiétudes après qu'on a raccroché. Par le passé, les femmes qui exigeaient des des appels quotidiens, des échanges de coups de fils, je m'en débarrassais systématiquement - et voilà que c'est moi qui exige d'elle ma dose quotidienne de téléphone, sinon je suis en manque. Pourquoi est-ce que je l'encense au fil des conversations ? Pourquoi je n'arrête pas de lui chanter combien elle est parfaite ? Pourquoi j'ai toujours l'impression d'avoir dit ce qu'il ne fallait pas ? Je suis incapable de me faire une idée de ce qu'elle pense de moi, de ce qu'elle pense de tout, et mon désarroi me pousse à dire des choses qui sonnent faux ou qui me paraissent excessives à moi-même, si bien que je raccroche plein d'une rancune muette envers elle. Mais quand, chose rare, je réussis à passer une journée sans l'appeler, sans lui parler, sans la flatter, sans sonner faux, sans lui en vouloir de ce qu'elle me fait subir en toute ignorance de cause, c'est pire. Je me lance dans une activité fébrile et rien de ce que je fais ne m'apaise. Je n'ai pas le sentiment d'avoir auprès d'elle l'autorité nécessaire à mon équilibre, et pourtant, c'est de l'autorité qu'elle me trouve."

Philip Roth, La bête qui meurt. Comme chez Buzzati, la psychologie masculine est finement mise à jour, dans toute sa faiblesse. Ca sent plus que le vécu et on a de l'amour envers ce frère d'armes, parce que c'est pareil à la maison - différence d'âge mise à part et la saloperie aussi. J'ai voulu être intègre, quelqu'un de bien qui ne triche pas, c'était peut-être une erreur. Je ne vois même pas de quoi je me plains, je suis le premier à clamer que la recherche de justice dès que l'on sort d'un système purement social est ridicule. J'ai toujours légitimé les salauds, j'ai fait l'erreur de plaider une cause qui n'était pas la mienne. Il n'y a plus de sens, il n' y a jamais eu de sens, cela n'a aucune importance. Je me détache de plus en plus de la réalité.

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